I Dieu qu’il est long le temps qu’il faut qu’on se dégoûte !
De la seconde haïe l’immonde goutte-à-goutte Déverse dans nos cœurs le poison rouge et noir De la peur alternant, tour à tour, à l’espoir. Un jour viendra pourtant où la mort, la sublime, Ma seule amie, ma seule amante, seule estime, Posera son baiser ultime sur mon front Que percera la balle ourlant son parfait rond. Je rêvai d'une Croix - en marchant dans la Drôme - Qui trône sur un pic délaissé par les hommes Et qu'un vautour parfois de son vol avoisine Sans jamais y poser ses serres assassines ; Le mont baigne toujours des brumes insondables Où les Anges déploient leurs ailes impalpables Dans un ballet d’Amour dont, déjà, je devine Les mille et un accords orchestrant la divine Chorégraphie du Vrai qu’enfin je saurai voir ! Ce sera un hiver, ce sera vers le soir, Ce sera le plus beau jour de ma triste vie, La dernière station d’une lente agonie. Je laisserai tomber sur mes épaules nues Les ultimes rayons dardés du roi Phébus ; Le vertige du Vide allant toujours croissant, La neige coiffera la crête offerte aux vents ; J'écouterai, ému, non loin de l'âpre cime, Fulminer le tonnerre immense de l'Abîme. Et puis, frêle sujet du Royaume divin, Un pistolet puissant posé dans une main, Ma désobéissance affichée face aux règles, Je deviendrai alors un temps l’égal de l’aigle Qui, vers l’Éther sacré, poursuit sa carrière… « - Maudit soit le carcan social qui incarcère Nos libertés déchues au pied d’infâmes maîtres ! Que soit maudit d’avoir à renaître pour être ! » Seront les derniers mots émis d’une révolte Sous la déflagration terrible d’un vieux colt. Le crépuscule aura raison de ma démence ; Jamais le cri jeté ne froisse le Silence. Une étoile, gagnant très haut son azimut, Au dessus de mon corps bénira cette chute ; Et mon âme entrera dans l’antre des légendes Escortée par Victor Hugo et Georges Sand. II Mais l'imagination peut-être joue des tours A tous ceux qui dévoient l'Astable Loi d'Amour; Aussi, crucifié à ma Croix de métal, Poches pleines de clous et de fers à cheval, J'aurai sur mon front las tendrement déposé Ma couronne de fleurs et de fils barbelés Ruisselante de sang et de lumière active; Et là, conscient du fait que les choses nous vivent, J'attendrai que l'éclair, flèche au terrible impact, Veuille bien rallier l'Agissement à l'acte. |